La prudence et la prise de décision : la Compagnie Française des Pétroles Algérie et l’algérianisation du personnel (1962-1971)

Avec la découverte du pétrole saharien en 1956, la France obtient pour la première fois dans son histoire une grande quantité d’hydrocarbures commercialisables en monnaie nationale et capables de soutenir le développement d’une nouvelle politique énergétique nationale. L’indépendance de l’Algérie remet en cause la continuité de l’activité des entreprises françaises qui, entre 1962 et 1971, sont appelées à élaborer une stratégie susceptible de garantir leur présence dans le pays. Sous la menace de nationalisation de la part du gouvernement algérien qui réclame la propriété et le droit d’exploitation des hydrocarbures sahariens, la Compagnie Française des Pétroles d’Algérie (CFP (A)) et la Société Nationale de Recherche et d’Exploitation du Pétrole en Algérie (SNREPAL) décident de mettre en œuvre une stratégie de gestion du personnel fondée sur le remplacement de leurs agents expatriés par du personnel local. Durant cette période de transition, la mise en place d’un plan d’« algérianisation » du personnel a permis de stabiliser la position des entreprises pétrolières françaises au Sahara à travers la formation de la première génération de cadres et techniciens algériens de l’indépendance. Le plan d’algérianisation permet dans l’espace de quelques mois de renverser la composition du personnel de la Compagnie en contribuant à la promotion des agents algériens et à la reconfiguration des rapports sociaux entre anciens colonisateurs et anciens colonisés au sein de l’entreprise. À la différence de l’« algérianisation par le haut », adoptée par SNREPAL après l’entrée des représentants de l’Algérie dans le conseil d’administration de la société, la direction générale de la CFP (A) met en place un plan d’« algérianisation par le bas ». Le recours à la prudence dans les différentes phases du processus décisionnel permet à l’entreprise de continuer son activité d’exploration et production après la nationalisation des concessions et des installations sahariennes en 1971.