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Raymond Guérin entre Stendhal et Henri Beyle
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Albert Camus, après avoir lu Quand vient la fin, félicitait Raymond Guérin d’avoir recouru, comme Stendhal, à ce qu’il nomme la « psychologie du scalpel », et il est vrai que l’auteur de Lamiel avait fourni une épigraphe à ce roman ; mais la fidélité de Guérin à Henri Beyle s’affirmera encore au seuil d’autres ouvrages ou dans sa correspondance. Plusieurs commentateurs ne s’y sont d’ailleurs pas trompés, André Rousseaux, Louis Émié ou Joë Bousquet, qui tous établirent un parallèle entre les deux écrivains. Il y va d’abord du voeu de ne s’adresser qu’à « l’heureux petit nombre » — the happy few —, non pas par snobisme mais par exigence esthétique. Il y a ensuite la passion pour l’Italie, au coeur des romans ou des oeuvres intimes. Mais c’est surtout la conception de la nature humaine qui les rapproche et leur fait adopter, à un siècle près, des techniques littéraires très voisines : les Rapports du physique et du moral que Stendhal avait appris de Cabanis se prolongent chez Guérin avec la théorie de la « physiopsychologie », ce qui détermine la conception du personnage et se traduit par la dénonciation de l’hypocrisie telle qu’on la trouvait déjà dans Le Rouge et le Noir ou Lamiel, sur un air de cynisme que Guérin avait voulu se donner en s’identifiant à Diogène. Cette connaissance intime de l’être — véritable dissection de la créature – passe par l’usage du monologue intérieur, à peine naissant chez Stendhal, diaboliquement complexe chez Guérin, leur recherche maniaque de l’authenticité leur faisant également privilégier le fait divers ou « le petit fait vrai » ; ce qui ne les a pas empêchés, pour autant, de proclamer que la première vertu d’un roman était d’être romanesque et de susciter avant tout l’émotion. Il est tout à fait caractéristique que le grand retour de Stendhal sur la scène littéraire française se soit opéré au début des années 1950, à une époque où Guérin atteignait sa pleine puissance de romancier.
Title: Raymond Guérin entre Stendhal et Henri Beyle
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Albert Camus, après avoir lu Quand vient la fin, félicitait Raymond Guérin d’avoir recouru, comme Stendhal, à ce qu’il nomme la « psychologie du scalpel », et il est vrai que l’auteur de Lamiel avait fourni une épigraphe à ce roman ; mais la fidélité de Guérin à Henri Beyle s’affirmera encore au seuil d’autres ouvrages ou dans sa correspondance.
Plusieurs commentateurs ne s’y sont d’ailleurs pas trompés, André Rousseaux, Louis Émié ou Joë Bousquet, qui tous établirent un parallèle entre les deux écrivains.
Il y va d’abord du voeu de ne s’adresser qu’à « l’heureux petit nombre » — the happy few —, non pas par snobisme mais par exigence esthétique.
Il y a ensuite la passion pour l’Italie, au coeur des romans ou des oeuvres intimes.
Mais c’est surtout la conception de la nature humaine qui les rapproche et leur fait adopter, à un siècle près, des techniques littéraires très voisines : les Rapports du physique et du moral que Stendhal avait appris de Cabanis se prolongent chez Guérin avec la théorie de la « physiopsychologie », ce qui détermine la conception du personnage et se traduit par la dénonciation de l’hypocrisie telle qu’on la trouvait déjà dans Le Rouge et le Noir ou Lamiel, sur un air de cynisme que Guérin avait voulu se donner en s’identifiant à Diogène.
Cette connaissance intime de l’être — véritable dissection de la créature – passe par l’usage du monologue intérieur, à peine naissant chez Stendhal, diaboliquement complexe chez Guérin, leur recherche maniaque de l’authenticité leur faisant également privilégier le fait divers ou « le petit fait vrai » ; ce qui ne les a pas empêchés, pour autant, de proclamer que la première vertu d’un roman était d’être romanesque et de susciter avant tout l’émotion.
Il est tout à fait caractéristique que le grand retour de Stendhal sur la scène littéraire française se soit opéré au début des années 1950, à une époque où Guérin atteignait sa pleine puissance de romancier.
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